Bourse thématique Malakoff Médéric: "Migrations dans le Nord de la France"

La Croix-Rouge française est pionnière de l’action humanitaire depuis plus de 150 ans. Poursuivant son engagement pour un monde plus humain et plus juste, elle a créé en 2013 le Fonds de dotation Croix-Rouge française. Ce fonds est dédié à la promotion des travaux de recherche consacrés aux modalités d’une action humanitaire en transition, à la nature des liens qui unissent les champs de l’humanitaire et du social ainsi qu’à la réflexion éthique appliquée à l’action humanitaire.

L’humanitaire moderne s’est développé depuis la création de la Croix-Rouge en 1864 pour porter secours aux victimes de catastrophes, lutter contre les pauvretés, les maladies et épidémies, les souffrances liées aux conflits et contre toute forme d’exclusion dans les pays les moins avancés.

Désormais, les états bénéficiaires de l’aide internationale souhaitent, de plus en plus, assumer eux-mêmes les actions sanitaires et sociales concernant leurs populations. Cette affirmation de la souveraineté des Etats du Sud dans le domaine de l’humanitaire est une des caractéristiques de la transition humanitaire, période de passage d’un système d’aide d’essence occidentale à un système plus global intégrant une multiplicité d’acteurs. La prise de responsabilité et de leadership sur le plan humanitaire, plus prononcée dans les pays émergents, se traduit par un relais d’activités gérées par des organisations étrangères vers l’Etat ou la société civile. Ainsi, l’articulation entre humanitaire, politiques publiques, action citoyenne s’organise, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’eau, de la sécurité alimentaire, de la prise en charge des personnes handicapées et de l’accès aux soins.

Aussi, depuis les années 1990, les interventions dans les pays de l’Est puis dans les Balkans ont familiarisé les humanitaires occidentaux avec des terrains d’opération européens. Les problématiques humanitaires et sociales qui apparaissent sur nos territoires en lien avec des contextes de crises à l’étranger, comme l’actualité liée aux besoins et à la gestion des camps de migrants dans le Nord de la France, amènent les acteurs du « lointain », traditionnellement tournés vers le Sud, à agir en Europe, là où l’Etat, les dispositifs sociaux et la société civile locale ne suffisent plus. Le contexte actuel de mise à l’épreuve de l’Europe dans la prise en charge de migrants de plus en plus nombreux démontre la réalité des liens qui unissent l’action humanitaire et sociale, dans une situation rassemblant de fait ONG internationales, associations sociales et pouvoirs publics, et dont les missions se recouvrent largement : protéger, abriter, nourrir, vêtir, soigner… Aussi, ces réalités humanitaires qui se rapprochent mettent en évidence la nécessité de réconcilier les enjeux de prise en charge « ici » et « là-bas », afin de générer des collaborations innovantes et trouver des solutions pérennes.

Face à cette transition et cet effacement des frontières traditionnelles entre urgence (là-bas) et travail social (ici-bas), ONG, états, entreprises, sociétés civiles, institutions internationales ne peuvent plus faire l’économie d’une profonde réflexion sur les mutations d’un secteur humanitaire fonctionnant selon des modèles, principes, interactions qui montrent déjà leurs limites et subissent la pression d’un environnement multipolaire, alors que selon toute prévision il devra à l’avenir gérer des volumes d’opération en forte croissance.

Qu’en est-il de la définition et de la mise en place de programmes d’aide quand l’objectif visé, au-delà de la survie, est de restaurer l’autonomie des personnes ? Comment s’articule la connexion entre l’action humanitaire et l’action sociale, entre le collectif et l’individuel, entre le ponctuel et le pérenne ? Comment se déclinent ces différents processus et mécanismes au niveau local, comment s’organise le transfert d’activités, avec quels acteurs, selon quelles normes – transmises, imposées ou appropriées – et pour quels résultats ? Dans ce contexte, comment transmettre les savoirs théoriques et pratiques, et quels moyens sont nécessaires pour faire évoluer les métiers du champ humanitaire, caritatif, sanitaire et social voués à accompagner la dynamique en cours ?

De tels questionnements exigent au préalable de mieux comprendre les précarités avec leurs particularités, ainsi que les nouvelles modalités d’intervention locale entre secteur social et humanitaire et, enfin, de mieux anticiper l’évolution des métiers de l’humanitaire. Les différents enjeux majeurs autour desquels se déroule cette transition sont autant d’entrées pour la comprendre, or il existe peu de recherches ou d’études analysant les espaces d’intervention de l’aide internationale afin d’en saisir les spécificités et évolutions.

Afin d’encourager et de guider cet effort de réflexion et d’innovation, le Fonds Croix-Rouge française et le Groupe Malakoff Médéric lancent le Programme de recherche postdoctorale « Migrations dans le Nord de la France » en 2016.

Groupe de protection sociale paritaire et mutualiste à but non lucratif, Malakoff Médéric se mobilise sur des projets innovants et porteurs d’espoir pour les plus fragiles. Outre ses dispositifs permettant aux personnes de faire face aux ruptures et évolutions de la vie, cet acteur majeur de la protection sociale mène une politique active d’engagement social et sociétal à travers ses actions, et notamment son combat en faveur du handicap à travers la Fondation d’entreprise Malakoff Médéric Handicap qui a pour mission de faciliter l’accès à la santé et à l’emploi des personnes handicapées. Conscient de la proximité qu’entretiennent ses champs d’activité, la protection et l’action sociales, avec les finalités de l’action humanitaire, le groupe s’associe au Fonds Croix-Rouge française afin de proposer un programme de recherche destiné à étudier ces liens de façon approfondie et sur une problématique tant préoccupante que fédératrice : la situation des migrants et réfugiés au Nord de la France.

Thématiques

Entre survie sociale et survie sanitaire, comment allier stratégies humanitaires et sociales face à l’afflux de migrants ? Cas des camps de migrants du Nord de la France

Des centaines de milliers de migrants affluent sur les côtes européennes et une crise humanitaire sans précédent se déroule sous nos yeux. Les vagues migratoires que connait l’Europe dans le contexte de la crise syrienne la mettent à l’épreuve des droits, de la prévention, de la prise en charge et du plaidoyer pour ces populations de plus en plus nombreuses issues de pays d’intervention des ONG médicales internationales. Le camp de Grande-Synthe, près de Dunkerque, comptait en octobre 2015 environ 800 migrants. Début janvier 2016 ils étaient 2 500 à y camper dans des conditions sanitaires épouvantables, la boue et le froid, et parmi eux beaucoup de familles avec de jeunes enfants. Les conditions de vie de ces Erythréens, Soudanais, Afghans, Syriens, Irakiens, dont on ignore beaucoup de leur histoire, y sont indécentes.

Le programme de recherche consistera en un décryptage des conditions de vie et de prise en charge des réfugiés et migrants dans le Nord de la France sous l’angle sanitaire et social. Il poursuivra trois principaux objectifs.

Le premier objectif sera de reconstituer et comprendre les parcours de ces personnes – parcours de vie et géographiques – qui les ont menés jusqu’en France. Qui sont-elles ? Quelle est leur histoire ? S’agissant spécifiquement de leur trajectoire migratoire, quelles sont les étapes de leur parcours ? Comment ces personnes sont-elles arrivées à chacune de ces étapes, et quel accueil y ont-elles trouvé ? Quels acteurs de l’aide ont-elles rencontrés ?

Le second objectif sera de saisir la réalité de la vie des migrants dans les camps, les difficultés concrètes telles qu’elles sont vécues au quotidien et dans leur singularité, et d’appréhender les lignes de force qui animent les mécanismes de survie. Comment se passe la vie dans les camps au jour le jour ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les stratégies de survie mises en place ? Quelles sont les différents acteurs de l’aide rencontrés, et pour quel type de relation et prise en charge ?

Enfin le troisième objectif sera de comprendre comment les différents types d’aide sont prodigués, par qui, pour quels objectifs et avec quels moyens, selon quelle organisation et coordination. Urgence sociale / urgence humanitaire, comment l’action est-elle pensée par les différents acteurs de l’aide ? Comment faire évoluer les dispositifs existants pour plus d’efficacité et éviter les risques de « mort sociale » ? Les résultats devront permettre de mieux comprendre et de porter un regard neuf sur la prise en charge des migrants, à la croisée des stratégies humanitaires et des acteurs sociaux, afin de mieux adapter les réponses, lutter contre les risques de mort physique ou à défaut de mort sociale.

Zones géographiques de recherche

Les thèmes du programme seront abordés lors d’une recherche portant sur une zone géographique spécifique, le Nord de la France, mais qui ne sera pas limitée à un lieu précis.

La variété des espaces où évoluent les migrants et les différents organismes leur venant en aide dans cette région devront être explorés, qu’il s’agisse des camps informels, des camps gérés par les pouvoirs publics, les ONG, ou d’autres lieux en-dehors des camps. Des cas d’étude spécifiques sur des camps présents dans les grands centres urbains de l’agglomération lilloise ou sur  l’Ile de France sont également éligibles.

La zone géographique ciblée par le programme de recherche ne correspond en aucun cas aux nationalités d’éligibilité.

Conditions de candidature

Il s’agit d’une bourse de perfectionnement à la recherche accordée selon un barème de base correspondant à 20 000 euros pour un an*.

Seuls les candidats rassemblant les conditions suivantes peuvent en bénéficier :

  • candidats titulaires d’un doctorat (doctorat français, PhD ou doctorat étranger de niveau équivalent) dans le champ des sciences sociales (en particulier en science politique, anthropologie, sociologie, ethnologie) ou des sciences médicales (médecine, santé publique) ;
  •  candidats ayant soutenu leur doctorat depuis moins de 10 ans ;
  • candidats n’occupant pas par ailleurs un poste permanent à plus de 50% ;
  • candidats contribuant à faire avancer la recherche dans les thèmes ou sur les zones géographiques prédéfinies par le Fonds Croix-Rouge ou ayant des publications dans d’autres domaines démontrant leurs capacités à mener des recherches de qualité.

Pour être éligibles, les candidats doivent en outre :

  • présenter les recherches en langue française ;
  • appartenir à un établissement de recherche ou académique ;
  • motiver la candidature (intérêt de la recherche envisagée et retombées pour l’établissement) ;
  • prendre connaissance des conditions d’attribution et des modalités d’utilisation des financements alloués par le Fonds Croix-Rouge tels que définis dans ce document ;
  • retourner au Fonds Croix-Rouge française le formulaire de candidature complété et accompagné des pièces demandées avant le 3 juillet 2016.

Il n’existe pas de condition de nationalité. Le programme privilégie toutefois les candidatures des chercheurs francophones avec une bonne maitrise de l’anglais et de l’arabe.

*La somme forfaitaire de 20 000 euros comprend des frais de gestion de 15% prélevés par le Fonds Croix-Rouge. La somme nette perçue par le chercheur se monte à 17 000 euros.

Institution
Date de candidature
Durée
1 an
Discipline
Humanités : Anthropologie & Ethnologie
Sciences sociales : Démographie, Science politique, Sociologie
Autres : Médecine