Bourses postdoctorales "Risques – santé – humanitaire"

La Fondation Croix-Rouge française a décidé de s’associer au AXA Research Fund pour lancer un appel à candidatures pour deux bourses postdoctorales sur le thème de la gestion des risques sanitaires et climatiques dans les pays en développement. AXA Research Fund apporte son soutien à des scientifiques et à des institutions d’excellence dont les recherches sont liées à l’environnement, la santé, les nouvelles technologies ou les risques socio-économiques. Les candidatures pourront porter sur l’une des trois thématiques de recherche suivantes.

Thématiques de recherche

> Accès aux soins

Alors que le droit international a clairement défini un droit d’accès aux soins égal pour tous, aujourd’hui dans le monde 400 millions de personnes n’ont pas accès aux soins essentiels selon les Nations Unies. Donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tout âge demeure ainsi un des principaux objectifs de développement durable, et la santé un secteur d’intervention prioritaire de nombreuses ONG.

Des progrès indéniables sont observés depuis plusieurs années en termes d’espérance de vie, mortalité infantile ou mortalité maternelle, notamment grâce aux systèmes de « Couverture sanitaire universelle » mis en place dans certains pays (Ghana, Rwanda, Mali, Kenya, Nigeria…). Le taux de mortalité maternelle a diminué de 37% depuis 2000 dans le monde, et même de deux tiers en Asie de l’Est, Asie du Sud et en Afrique du Nord. Aussi, la proportion de femmes recevant des soins prénatals ne cesse d’augmenter dans les régions en développement, passant de 65% en 1990 à 83% en 2012.

Mais cette amélioration est très inégalement répartie, s’opère à un rythme trop lent, tout particulièrement dans les pays économiquement les plus démunis, et les besoins restent immenses pour apporter une réponse de long terme aux enjeux de santé. Alors que le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a baissé dans son ensemble, la proportion des décès est en augmentation en Afrique subsaharienne et en Asie du sud. 4 décès sur 5 d’enfants ayant moins de 5 ans ont lieu dans ces régions. Par ailleurs, le taux de mortalité maternelle est 14 fois plus élevé dans les pays en développement que dans les pays développés.

En Afrique notamment, où les systèmes de santé demeurent particulièrement fragiles, la pauvreté endémique, les catastrophes naturelles, les conflits meurtriers, l’instabilité politique, le manque ou la mauvaise utilisation des ressources humaines ont ancré la pénurie d’offre de soins de qualité dans la chronicité. Aujourd’hui encore sur ce continent 1 femme sur 16 meurt en accouchant et 1 enfant sur 5 n’atteint pas l’âge de 5 ans par suite d’infections respiratoires, de diarrhées, de paludisme ou de rougeole.

Pour veiller à ce que tous aient accès aux soins de santé dont ils ont besoin, les solutions toutes faites, applicables en tous lieux et toutes circonstances, n’existent pas, car les obstacles responsables de l’inégal accès aux soins diffèrent d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’une communauté à l’autre : distance-temps (trajet) trop longue, pauvreté, approvisionnement insuffisant en médicaments, manque de personnel de santé, manque d’accès aux informations sur les maladies et les soins adaptés, barrières culturelles, manque d’infrastructures sanitaires opérationnelles, etc.

Il reste encore beaucoup à faire pour comprendre et enrayer les mécanismes d’absence de prise en charge, la constitution de déserts médicaux et l’exclusion de la santé à grande échelle dans les pays du Sud. Qu’il s’agisse de problématiques propres aux besoins en soins de santé primaires (hygiène, prévention, éducation à la santé), aux populations vulnérables (femmes, enfants des rues, réfugiés), ou aux pandémies (VIH, paludisme), quels types d’actions et de mobilisations peuvent contribuer à l’effectivité du droit à la santé et assurer un accès aux soins le plus durable possible ? Comment contribuer à l’autonomisation médicale des populations dans le respect de leurs besoins et spécificités culturelles ? Comment l’efficacité des différentes actions et innovations des ONG en matière d’accès aux soins et suivis médicaux pour les plus vulnérables peuvent être capitalisées par les différents acteurs de la société civile et publics locaux et contribuer au développement durable de la santé ? Comment favoriser ce passage de relais pour rebâtir de façon pérenne des systèmes de santé détruits par la guerre ou créer des systèmes là où ils sont inexistants, et ainsi assurer l’autonomie des systèmes de santé locaux ?

> Risques épidémiques

Le risque épidémique représente encore un champ considérable d’intervention humanitaire : fièvre hémorragique, paludisme, arbovirose, méningite, grippe etc. En l’absence de vaccin, déterminer les facteurs qui influencent les épidémies pour mieux les prévoir est un véritable enjeu de santé publique.

Certaines ONG telles que MSF ont su développer de réelles capacités de réponse à l’apparition de nouvelles pandémies ces dernières années (choléra en Haïti, méningites ou rougeoles au Niger, Kala-azar au Soudan, etc.). Cependant, face au virus Ebola, à celui de la fièvre de Marbourg, ou à de nouvelles pandémies comme celles à transmission rapide et accélérée par les modifications des modes de production (pandémie aviaire H5N1) ou à l’intensification des flux de population permise par les systèmes de transports publics et aériens (H1N1), « la plupart des ONG médicales sont hors-jeu », selon l’ONG Santé Sud, et montrent leurs limites dans la gestion de crises sanitaires qui ne connaissent pas de frontières et se transforment rapidement en crise humanitaire et économique.

Par ailleurs, différents travaux montrent que les distributions de nombreuses maladies infectieuses vont changer, surtout celles qui nécessitent la présence de vecteurs pour assurer la transmission, comme la dengue ou le chikungunya. Les modèles prédisent de nouveaux territoires à risque du fait des modifications des niches environnementales, qui deviennent favorables à l’établissement des cycles infectieux. Pluies plus intenses, associées aux événements El Niño ou à la mousson en Asie, vagues de chaleur vont affecter l’environnement épidémiologique avec pour conséquence probable une augmentation de la variabilité du risque d’épidémies pour toutes les maladies liées à l’eau, transmises par des vecteurs, ou dépendantes d’animaux réservoirs sauvages.

L’analyse poussée des conditions d’apparition et de développement des épidémies, ainsi que l’étude des perceptions et comportements des populations qui y font face, permettraient d’anticiper et de réduire les impacts de la catastrophe sanitaire et de ses dégâts humains et économiques. Pour cela, il apparaît de plus en plus nécessaire de plaider pour une réponse couplant l’approche communautaire et le renforcement du système de santé, en associant, notamment, l’intégration de systèmes de surveillance épidémiologique.

Cela dit, au-delà des aspects médicaux et scientifiques, la dimension sociale et anthropologique d’une épidémie apparaît trop souvent négligée alors qu’elle nécessite une approche appropriée dans le respect du contexte culturel, sans quoi elle peut faire obstacle à la bonne conduite des opérations de secours. La transversalité des enjeux incite les experts à croiser leurs connaissances pour envisager des réponses adaptées et portées localement par les responsables communautaires et politiques. Si l’attention internationale s’est portée à juste titre sur l’absence de vaccin et de traitement, on ne doit pas occulter la faiblesse du système de santé et l’importance de le renforcer.

Comment anticiper le risque de pandémie et s’y préparer dans les pays où les systèmes de santé sont fragiles ? Comment aider les communautés à se préparer et à répondre aux urgences sanitaires ? Comment l’efficacité des différentes actions et innovations des ONG en matière d’anticipation du risque épidémique et de traitement de la crise sanitaire qu’il peut engendrer peuvent être capitalisées par les différents acteurs publics et de la société civile, et ainsi contribuer au renforcement des systèmes de santé locaux ? Comment contribuer à endiguer les épidémies dans le respect des spécificités culturelles des populations locales ? Comment les programmes de sensibilisation et/ou programmes d’intervention en temps de crise sont-ils perçus, et quels sont les principaux obstacles à leur succès ?

> Risques climatiques et catastrophes naturelles

Selon le World Disasters Report 2018, publié par la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 3 751 catastrophes naturelles ont été enregistrées dans le monde ces 10 dernières années, dont 84 % étaient des aléas liés aux conditions météorologiques. Durant cette période, le nombre estimatif de personnes touchées par des aléas naturels est de 2 milliards, dont 95 % ont été touchées par des aléas liés aux conditions météorologiques, principalement des inondations (36,7 %) et des tempêtes (17 %). Le coût approximatif des dégâts générés par les catastrophes dans les 141 pays touchés dans le monde ces 10 dernières années s’élève à 1 658 milliards de dollars (US), dont 72,6 % sont imputables aux aléas liés aux conditions météorologiques, les tempêtes représentant à elles seules 41,7 % de ces coûts.

Les bouleversements climatiques et aléas naturels ont des conséquences qui dépassent largement les seuls impacts environnementaux. En 2015, à la veille de la COP21 de Paris, un rapport de la Banque mondiale confirmait par exemple le lien entre climat et pauvreté, un de ses auteurs affirmant que « 100 millions de personnes supplémentaires pourraient être pauvres en 2030 à cause du changement climatique si les politiques de développement adéquates ne sont pas adoptées ». La hausse continue des températures, l’augmentation de la fréquence des événements naturels extrêmes et de la pollution sont autant de facteurs qui, indéniablement, auront un impact sur les économies des pays les plus vulnérables, majoritairement agricoles et donc fortement dépendantes du climat. Aussi, le changement climatique exacerbe les conflits autour des ressources naturelles, obligeant les populations à des migrations forcées, qui par ailleurs tombent dans un vide juridique puisque le statut de réfugié climatique n’existe pas.

Tout cela engendre des crises humanitaires et sanitaires aux causes et modes de gestion spécifiques, et dont la multiplication, selon toute prévision, amènera ONG, États, entreprises, institutions internationales à gérer des volumes d’opération en forte croissance à l’avenir. Ce contexte nouveau conduit les acteurs de la société civile et institutions internationales à repenser leur action dans l’optique d’une transition ou articulation plus poussée avec les objectifs du développement durable, et les pouvoirs publics locaux à opter pour des modes innovants de gestion des risques et des catastrophes (nouveaux mécanismes assurantiels, Disaster Risk Reduction) et de transition énergétique. Il est donc important de s’interroger sur ce que ces bouleversements environnementaux impliquent à la fois en termes de conséquences pour les populations ainsi qu’en termes de conception et de pratique de l’action humanitaire.

Un des défis majeurs est notamment de mieux comprendre et anticiper les conséquences des programmes d’aide actuels et d’y intégrer les perceptions du risque et capacités d’adaptation des populations locales. En effet, il est communément admis concernant les catastrophes naturelles que si les risques associés sont dus à des aléas peu maîtrisables, leur impact peut être atténué de plusieurs façons, notamment par une bonne préparation de la population. Cette préparation passe tout d’abord par la connaissance du risque et donc sa perception, ce qui nécessite une sensibilisation et une communication efficace, composante essentielle des programmes de réduction des risques de catastrophes dans le milieu humanitaire. Cependant, il est intéressant de constater qu’une population qui a connaissance d’un risque n’adapte pas toujours son comportement pour y faire face.

L’identification et l’analyse des déterminants socioculturels qui influencent les comportements de prévention et de protection face aux risques naturels (avant, pendant et après) est donc cruciale pour adapter les programmes de gestion des risques de catastrophes. Intégrer les logiques spécifiques de positionnement et d’adaptation aux catastrophes des populations vulnérables auprès desquelles les organisations d’aide humanitaire interviennent, permettra d’avoir une action plus durable et plus efficace.

Quelles actions contribuent à réduire la vulnérabilité et améliorer l’adaptation aux aléas météorologiques extrêmes, dans une perspective de durabilité et de résilience pérenne ? Comment les individus perçoivent-ils les risques auxquels ils sont exposés ? Quels sont les paramètres qui influent sur cette perception ? Quelle est la corrélation entre perception des risques et l’adaptation des comportements ? Comment intégrer les composantes socio-culturelles aux programmes de réduction des risques pour augmenter la résilience ?

Zones géographiques de recherche

Ces thèmes pourront être abordés dans une zone géographique comportant un ou plusieurs pays. La Fondation, en collaboration avec le AXA Research Fund, a identifié pour cet appel neuf pays prioritaires :

  • Burkina Faso
  • Mali (chercheurs résidents uniquement)
  • Côte d’Ivoire
  • Madagascar
  • Cameroun
  • Maroc
  • Egypte
  • Niger (chercheurs résidents uniquement)
  • Guinée
  • Sénégal
  • Territoires ultramarins (France)

Les pays ciblés constituent une entrée empirique pour les recherches. Ils ne correspondent en aucun cas aux nationalités d’éligibilité du candidat.

L’accès au terrain sera conditionné par une évaluation précise des risques remise lors de la candidature et mise à jour avant le départ en prenant soin de vérifier au préalable les recommandations du MEAE français.

Dates clés

  • 6 février 2019 : lancement de l’appel
  • 21 mars : clôture des préinscriptions
  • 18 avril : clôture des candidatures
  • 20 juin : annonce des résultats
  • 1er sept. 2019 : début des recherches
  • 1er sept.2020 : rendu des livrables
Institution
Date de candidature
Durée
1 an
Discipline
Humanités : Philosophie, théologie et religion, Anthropologie & Ethnologie
Sciences sociales : Démographie, Economie, Sciences environnementales, Géographie, Droit, Science politique, Sociologie
Autres : Médecine